LA TITRISATION AU SECOURS DES ENTREPRISES EN DIFFICULTES ET DE L’ETAT-PROVIDENCE

Le monde est confronté à la pire crise sanitaire qu’il ait connu depuis un siècle; le Covid19 menace l’humanité toute entière, dans sa chair comme dans son économie.

Dans ce contexte international sans précédent qui nous fait plonger avec angoisse dans l’inconnu, les plus puissants de ce monde ont revêtu leurs habits de « grand horloger » pour tenter d’enrayer l’épidémie et arrêter le temps. 

L’heure n’est plus à la tenue des comptes … mais à un déferlement de liquidités salvatrices.

Pour lutter contre les effets dévastateurs du Covid19, les Etats ont mis en place des dispositifs massifs de soutien aux entreprises. En Suisse, le Conseil fédéral a mis à la disposition des entreprises suisses des aides en liquidités d’un montant total de 40 millards de francs et l’Etat de Genève, à lui seul, a ouvert un crédit de 50 millions de francs octroyé par le Grand Conseil sous forme de prêt sans intérêt aux entreprises en difficulté. En France, un dispositif intitulé « prêt garanti par l’Etat (PGE) » a été mis en oeuvre dans la limite d’un montant disponible de 300 millards d’euros. Des prêts auxquels viennent s’ajouter les aides et subventions versées à différents groupes de bénéficiaires pour éviter les licenciements, sauvegarder les emplois, garantir les salaires et soutenir les indépendants.

On ne peut que se réjouir de voir les autorités politiques avoir pris très tôt la mesure de cette pandémie qui laissera des traces indélébiles dans les coeurs comme dans les comptes de perte et profit. Mais dans cette course internationale des Etats à la dépense publique, prenons garde de ne pas inciter nos autorités à dépenser ou à offrir des garanties « hors bilan » … sans compter ! Au lendemain de cette crise sanitaire, les contribuables risqueraient d’en faire les frais.

Pour éviter ce choix cornélien entre la défense des intérêts privés et la défense de l’intérêt général, la titrisation pourrait peut-être faire office de bonne étoile en montrant la voie d’une nouvelle forme d’Etat-providence (ou d’Etat-social c’est selon) capable d’associer la solidarité nationale à la rentabilité. Car la titrisation ne doit pas être comprise uniquement comme un outil financier au service des établissements de crédit. Elle est aussi un outil économique au service des entreprises. Elle pourrait même être un outil politique au service des gouvernants.

LA TITRISATION, UN OUTIL FINANCIER

La titrisation est une technique financière bien connue qui consiste à transformer, d’où l’expression « titrisation » (securitization en anglais) des actifs peu liquides, par le biais de véhicules ad-hoc, en titres obligataires, liquides et négociables.

Le mécanisme nécessite que la cession des actifs au véhicule de titrisation soit considérée juridiquement comme une véritable vente. En ce sens, elle se différencie du simple emprunt obligataire émis par une société pour se refinancer et qui fait de l’investisseur un simple créancier.

Elle fut créée aux Etats-Unis dans les années 1970 pour permettre aux établissements bancaires de répondre plus efficacement à la demande grandissante de leurs clients d’obtention de crédits hypothécaires. Les capacités de financement des banques étant limitées en fonction de leurs propres ressources, la titrisation leur a permis d’augmenter leur capacité de financement en cédant tout ou partie de leurs créances à des investisseurs et d’obtenir ainsi, de fait, leur remboursement avant leur terme. 

Comme un magicien capable de transformer d’un « coup de baguette financière » la nature des actifs, elle s’est répandue à travers le monde pour servir les intérêts du banquier, de l’investisseur et du marché.

Ainsi, le banquier aura t-il vu, dans la titrisation, l’instrument financier idéal pour alléger son bilan des créances cédées et les substituer par des liquidités; l’investisseur y aura trouvé l’opportunité d’investir dans des classes d’actifs qui, par leur nature, lui étaient jusque là interdites, avec un profil rendement/risque séduisant; même le marché se sera satisfait de ce nouvel outil capable de lui offrir une meilleure répartition des risques; ceux-ci n’étant plus concentrés entre les mains des organismes de crédit mais répartis dans de multiples portefeuilles obligataires.

Aujourd’hui, la titrisation a fini par s’imposer comme un des piliers de la finance moderne que même la crise des Subprimes de 2008 n’aura pas réussi à faire rompre sous le poids des actifs toxiques. Et depuis le règlement européen du 12 décembre 2017 (2017/2402), elle poursuit son essor sous la surveillance des autorités dans un nouveau cadre spécifique recommandant aux banques des émissions « simples, transparentes et standardisées (STS) ».

LA TITRISATION, UN OUTIL ECONOMIQUE

Mais la titrisation n’est pas qu’un outil au service des professionnels de la finance. La titrisation peut être aussi utilisée pour financer les TPE / PME hors marché et même des projets économiques audacieux.

La société Asset-Strategy l’a bien compris en se spécialisant dans une titrisation « individuelle et sur mesure » de toutes sortes d’actifs, mobiliers, immobiliers ou même de revenus futurs. Son business modèle répond en tout point à une démocratisation de la finance où transparence, rapidité, maîtrise des coûts et professionnalisme se mêlent.

Asset-Strategy apporte à ses clients un cadre juridique et financier sécurisé, dans lequel investisseurs obligataires et gestionnaires d’actifs titrisés sont clairement identifiés; une identification source de confiance et d’économie, accentuée par l’utilisation d’un code ISIN (International Securities Identification Numbers) permettant une meilleure traçabilité et une gestion centralisée à partir d’un simple portefeuille-titres.

Pour mettre la titrisation au service de l’économie, la société Asset-Strategy, basée au Luxembourg, développe désormais, avec des partenaires locaux, ses activités en France et en Suisse. Et dans ces temps de crise où la menace du Covid19 plane sur toutes les têtes, la seule titrisation des actifs des entreprises en difficultés pourrait bien l’occuper à plein temps !

Certes, l’heure est encore à la préservation des vies humaines. Mais nous devons d’ores et déjà réfléchir à des solutions alternatives aux simples aides d’Etat pour sauver les entreprises et faciliter, le moment venu, leur reprise d’activité sans pour autant mettre les Etats en danger. Car ne nous y trompons pas; le risque que les Etats soient appelés en garantie est important et en cas de non remboursement par l’emprunteur, l’Etat n’aura pas d’autres choix que d’indemniser à fonds perdus.

La titrisation de ces aides d’Etat, mieux sécurisées par la mise en place de garanties collatérales, permettrait aux entreprises de toujours bénéficier de cette trésorerie tout en reconnaissant aux Etats, non pas un engagement hors bilan susceptible d’accentuer l’endettement public, mais la propriété d’un produit obligataire, dont le sous-jacent serait une classique créance titrisée. 

Mais pour aller plus loin, la mise à disposition de fonds publics, à une entreprise privée, pour répondre à cette situation de crise pourrait aussi s’exprimer au travers d’une titrisation d’actifs de l’entreprise en difficultés, « in bonis mais insolvable » pour reprendre les mots de l’avocat genevois Claude Laporte. Et dans cette hypothèse, la titrisation pourrait offrir un cadre juridique et financier approprié à cette temporaire appropriation d’actifs constitutive d’un « gage productif » selon l’expression consacrée du Président Poincaré au lendemain de la première guerre mondiale.

Cette titrisation d’actifs permettrait ainsi aux entreprises de bénéficier, là encore, de ces mêmes liquidités octroyées par les Etats, mais sans être contraintes de devoir, un jour, les rembourser. Un « refinancement par l’actif » pour éviter un sur-endettement ou l’intrusion de partenaires mal intentionnés au capital de l’entreprise. De leur côté, les Etats seraient pleinement sécurisés. 

Au besoin, il pourrait être judicieux de laisser à la disposition de l’entreprise la faculté de racheter son actif dans le cadre d’un réméré ou d’une simple option d’achat au terme d’un délai déterminé. Dans cette hypothèse, l’Etat percevrait les revenus de son prêt par la mise à disposition de l’entreprise son actif titrisé, dans le cadre d’un bail ou d’un simple contrat d’usage, et serait intégralement remboursé de son capital le jour où l’entreprise reprendrait possession de son actif.

Les compagnies aériennes, en général, et celle de Richard Branson en particulier, pourraient peut-être trouver là une solution à leur manque de trésorerie par la titrisation de leur flotte aérienne ou de son île, et éviter ainsi, soit de disparaître, soit d’être sauvées par leur Etat, dans des plans d’aides couteux ou des nationalisations d’un autre âge. Les filiales, suisses ou françaises, de holdings étrangères, en difficultés de trésorerie, trouveraient elles aussi dans cette titrisation les moyens de « sécuriser » ces aides d’Etat afin qu’elles ne soient pas « appréhendées » par un actionnariat étranger.

Placée entre les mains des dirigeants, la titrisation se montrerait ainsi sous ses plus beaux atours, orchestrant la défense des intérêts privés des entreprises pour sauver l’intérêt général économique national et pourquoi pas européen !

LA TITRISATION, UN OUTIL POLITIQUE

Mais cette crise sanitaire, dont personne ne peut encore évaluer avec certitudes les conséquences économiques et sociales pour le monde, pourrait aussi constituer une excellente opportunité de re-donner au capitalisme, sur lequel repose les économies occidentales, un visage humain et non plus exclusivement financier. 

Et pour y parvenir, paradoxalement, la titrisation pourrait nous aider !

Car la titrisation ne fait pas que transformer un actif en liquidité. Par le transfert de propriété des actifs titrisés, elle dépossède l’entreprise de ses actifs économiques pour ne la faire exister qu’au travers d’une gouvernance collective assurée par le chef d’entreprise et ses salariés. En ce sens, elle participe à la mise en évidence de la valeur « travail » au coeur de l’entreprise; ce que la comptabilité aujourd’hui lui refuse.

Ainsi, elle nous permet d’imaginer une autre conception capitaliste de l’entreprise où le « capital » (au sens économique du terme) serait apporté exclusivement par l’investisseur obligataire, comme dans le cadre d’un emprunt obligataire classique émis par la société, et où le « capital » (au sens juridique du terme) de l’entreprises seraient exclusivement souscrit par ceux qui y travaillent et qui ont pour responsabilité, en dirigeant ou en simple salarié, de la rendre performante.

A cette conception plus sociale de l’entreprise (RSE), nos gouvernants pourraient très facilement donner force de loi.

Cette nouvelle répartition du capital et du travail, au sein de l’entreprise, permettrait d’abord de résoudre l’un des paradoxes du libéralisme, à savoir, l’acceptation en société, d’une liberté sans responsabilité: les sociétés à responsabilité limitée. Cette irresponsabilité du propriétaire du capital et indirectement de la gouvernance participe incontestablement aux dérives du capitalisme financier car quoi qu’il ne décide, quoi qu’il fasse, l’actionnaire voit sa responsabilité limitée aux montant de ses apports. En écartant totalement l’investisseur obligataire de la gouvernance,  comme c’est le cas aujourd’hui, l’irresponsabilité de l’investisseur essentielle à tout projet économique serait sauvegardée. Mais dans le même temps, la liberté d’une gestion responsable serait préservée, grâce à une nouvelle conception de l’actionnariat, moins capitaliste et plus laborieuse, à la quelle tous les salariés pourraient participer.

Pour les salariés, ensuite cette accès à la co-propriété de leur entreprise, aux côtés des dirigeants, sonnerait comme une formidable reconnaissance sociale et permettraient de surcroit que des licenciements, justifiés économiquement, ne les plongent dans une précarité moralement inacceptable. Car même licencié, le salarié co-propriétaire de son entreprise, pourrait garder la propriété de ses actions et bénéficier des dividendes générés par l’entreprise même après son départ, que son travail aura contribué à rendre performante.

Cette co-existence de l’investisseur obligataire et des gestionnaires enfin révolutionnerait la gouvernance des entreprises. La gestion des gérants ou des conseils d’administration ne serait plus otage d’une vision purement financière ou exclusivement lucrative imposée parfois par un actionnariat « prédateur ». Une fois l’investisseur économique rémunéré de son revenu obligataire, la gouvernance pourrait s’exprimer librement et contraindre son entreprise à respecter un impératif social, écologique ou simplement humain sans craindre un rappel à l’ordre ou même une intrusion de l’investisseur dans sa gestion.

Grâce à la titrisation financière, l’esquisse d’une reconnaissance juridique de la propriété économique et de la propriété d’usage au sein de l’entreprise serait ainsi posée …  La  titrisation n’a pas fini de nous réserver des surprises !

Jean-Philippe Clavel

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